-
Par
Raphael611 dans
Je me souviens le
15 Mars 2006 à 13:13
Je
suis allé chez Jean la première fois en 2001 pour parler de sa
collaboration à la création d'un site internet. Lui, le grand ami des
peintres du siècle précédent, embarqué sur internet ? Je l'avais
rencontré quelques jours plus tôt dans un bureau du ministère de la
culture aux côtés de Madeleine Malraux, GIsèle Caumont et Jean-Claude
Noël venus évoquer avec les conseillers de Catherine Tasca (André
Ladousse et Jean-Paul Ciret) la contribution du ministère à la
commémoration du 100e anniversaire de la naissance d'André Malraux. Mon
admiration pour celui-ci m'avait poussé à suggérer la réalisation d'un
site internet adapté des "Voix du silence" que Jean Leymarie
connaissait bien et admirait. Je me retrouvai ainsi au milieu de grands
personnages, ce qui n'est pas dans mes habitudes !
J'étais
donc plutôt intimidé en sonnant à la porte de son petit appartement,
rue du Cloître Notre-Dame, à l'ombre de la prestigieuse cathédrale de
Paris. Son accueil fut des plus chaleureux et des plus simples.
J'entrai dans une pièce décorée de tableaux (je me souviens d'un Music,
entre autres) et de ce qui lui restait de livres. Je lui donnai un
exemplaire des "Voix" car il m'avoua qu'il avait perdu une grande
partie de ses livres dont celui-là.
Très
vite il employa le tutoiement et me parla d'art, de littérature, de
Malraux et des projets qu'il avait en tête pour cet anniversaire.
Soudain, vers la fin de notre entretien, il se mit à réciter par coeur
la sublime fin du chef d'oeuvre de Malraux d'une voix qui me fit monter
les larmes aux yeux. Ceci me donna tout de suite l'idée d'enregistrer
Jean lisant les passages retenus pour figurer sur le site internet qui
se devait bien sûr d'être audiovisuel. Il accepta et c'est sa
voix qu'on entend et que beaucoup prennent pour celle de
Malraux.
Je
fus séduit par cette voix, ce sourire, ce pétillement des yeux qui
évoquait certains autoportraits de Rembrandt que lui et Malraux
aimaient tant, cette sensibilité, et aussi par cette puissance d'esprit
qui reposait sur une grande humanité.
Lui qui était l'ami des plus grands peintres du XXe siècle me recevait comme un compagnon.
La
perte de sa présence vivante me rend soudain sensible tout ce qu'il
représente. Son absence, comme celle de mon père ou celle d'un de mes
professeurs, devient un garant de sa survie en moi. Le dialogue
interrompu dans cette réalité se poursuivra jusqu'à mon propre départ.
Je sais que, comme le grand-père que j'aurais aimé connaître dans ma
jeunesse, il accompagnera mon rapport au monde.
Raphaël Loison
-