• Balthus

    Les artistes d'élection, conduits par la fatalité, porteurs du rameau d'or, restent des pélerins de l'éternel et les bergers de l'être, servants de la beauté ! Ils traversent leur temps et sa foule éphémère en se fixant sur les valeurs hors du temps.
    (...)

    Deux des fréquents détours qui nous écartent de l'art et de son foyer central restent la glose érudite et le piège biographique. Quels que soient l'éclat et la singularité de son destin, le peintre véritable aspire à se fondre dans la communauté de l'existence anonyme et ne se révèle en entier que dans la substance universelle de son oeuvre, à travers laquelle s'éclairent en retour quelques données orientatrices de sa formation. Par sa naissance insolite, un 29 février, et son anniversaire qui ne revient ainsi qu'une fois sur quatre, aux tournants bissextiles, Balthus a le sentiment d'échapper à la chronologie des adultes et de préserver indéfiniment son trésor essentiel, le temps sans dates et le monde absolu de l'enfance, où s'enracinent ses visions, que confirme encore le maintien de son prénom, comme désignation de peintre. Sy pour le philosophe et le savant d'époque classique comme Descartes, l'enfance est un état inférieur dont il aurait souhaité faire l'économie afin d'accéder plus vite à la maîtrise de la raison, pour le poète et pour l'artiste depuis le Romantisme, c'est-à-dire depuis la brisure de l'ère industrielle, l'enfance est au contraire la source privilégiée et le recours indispensable contre la mécanisation nouvelle.

    "Là où il y a des enfants, dit Novalis, là est l'âge d'or." Associée au mouvement des instincts, à la pureté du regard, l'enfance détient ce pouvoir transperçant de l'imagination que le poète anglais Woodsworth, à qui l'on doit les plus vives évocations des lieux et sensations primordiaux, appelle l'âme de la nature et par laquelle la réalité, ma réalité quotidienne et non pas fantastique, se dévoile elle-même dans sa force originelle et son ordre caché. Balthus assure et c'est sans doute son témoignage fondamental n'avoir jamais cessé de voir comme voyaient ses yeux d'enfant.

    Balthus, Skira 1978








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